« Parmi ces trois options, laquelle est la meilleure, à ton avis ? », « Pour la visite du Président (ou gros client, ou…) le mois prochain, quel pourrait être l’agenda ? »… Nombreuses sont les sollicitations de notre entourage qui font appel à notre aide, et souvent formulées de façon à ce qu’on agisse ou prenne une décision à la place de l’autre. Ceci est encore plus vrai quand on est manager, et qu’inconsciemment un collaborateur peut rechercher le confort de ne pas être responsable d’une décision ou d’une orientation – au cas où elle s’avèrerait mauvaise.
J’emprunte ici le modèle développé par Vincent Lenhardt (1) du poisson et de la canne-à-pêche.
Le « poisson », c’est répondre à la place, faire à la place de l’autre. Inconvénient : La responsabilité reste chez le manager. Avantage : C’est rapide ! La « canne-à-pêche » a des formes multiples : Ça peut être apprendre à se servir d’un outil, par exemple, d’un modèle. Ou bien un processus de questionnement, comme le modèle GROW de J.Withmore (2) . Inconvénient : Ça prend du temps. Avantage : Vous développez la personne qui pourra gérer elle-même des situations semblables par la suite.
L’analogie vient du proverbe « Donnez-lui un poisson, il pourra manger aujourd’hui ; apprenez-lui à pêcher, il pourra se nourrir tous les jours de sa vie ». On pourrait en conclure qu’il vaut toujours mieux apprendre à l’autre à pêcher.
Cette approche est louable, car elle tend à développer chez les personnes « l’autonomie ».
Il convient de préciser le sens que je donne à ce mot, qui n’est pas « l’indépendance », comme il est parfois compris en entreprise. Quand c’est le cas, « l’autonomie » est redoutée comme étant source de chaos : Chacun va faire ce qu’il veut ! L’autonomie est ici comprise comme la capacité d’agir seul tout en étant soumis à une autorité, en étant conscient de ses propres ressources comme des ressources disponibles dans l’organisation. Ressources auxquelles l’individu peut faire spontanément appel pour traiter les problèmes – idée d’interdépendance.
Autonomie maximum, donc !
Ce qui ne veut pas dire pour autant canne-à-pêche à tous les coups.
D’abord du fait du temps disponible. Pour revenir à la question initiale : « Parmi ces trois options, laquelle est la meilleure, à ton avis ? ». Si la décision à prendre est pour demain, que vous avez vous-même de bons éléments pour y répondre, et qu’il faudra à votre collaborateur une semaine pour arriver au même résultat, il est sans doute préférable de le mettre sérieusement sur la piste, si ce n’est lui donner votre réponse : c’est un poisson.
Ensuite du fait du degré d’autonomie déjà atteint par le collaborateur. Si le président du Groupe nous rend visite le mois prochain, et que je confie l’organisation de cette visite à un collaborateur, je donnerai sans doute plus de « poissons » à quelqu’un qui le fait pour la première fois qu’à un collaborateur qui l’a déjà fait plusieurs fois avec succès.
Une histoire de curseur…
Le principe du « poisson – canne à pêche » est que face à une demande d’aide nous disposons d’un « curseur » : En fonction de l’urgence de la situation, de son importance (il se peut que la qualité de la décision ait peu d’impact, et qu’on puisse accepter une « décision moins bonne « techniquement » mais prise par le collaborateur), du degré d’autonomie du collaborateur, on pourra se déplacer le long du curseur pour ajuster sa posture.
Ce concept rejoint d’une certaine façon le modèle du « Leader situationnel » de Paul Hersey (3): La posture du leader dépendra de la tâche, de la compétence et du degré de « maturité » du collaborateur.
Pratiquement, l’utilisation de ce concept sera assez intuitive : On ne va pas demander au collaborateur de revenir le lendemain avec sa question pour nous laisser de temps d’une analyse longue et minutieuse de la situation !
Un concept « libérateur » pour celui qui accompagne
Par rapport au principe souvent répété en formation (à juste titre dans un but éducatif) de toujours fournir une canne à pêche, face à une personne en difficulté, je me sens libre de donner du poisson tant que c’est nécessaire. Et d’évoluer progressivement vers plus de canne-à-pêche, en m’adaptant à l’évolution de l’autonomie de la personne.
A contrario, pour quelqu’un qui aurait tendance à facilement répondre avec des solutions, il sera intéressant de se poser la question : « Dans quelle mesure l’autre pourrait-il y répondre lui-même ou elle-même ? Et si je l’aidais à le faire, plutôt que de répondre à sa place ? ».
Et vous, comment vous positionnez-vous sur le curseur ? De quel côté de la canne à pêche ?
(1) Lenhardt (Vincent), Les responsables porteurs de sens : Culture et pratique du coaching et du team-building, Eyrolles, 2015
(2) Withmore (John), Le guide du coaching, Maxima, 2012
(3) Hersey (Paul), Le leader situationnel, Actualisation, 1996
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